Le 19 septembre 2024, dans le cadre de “l’Agora du soin digital” de l’AP-HP à l’Hôtel-Dieu, nous avons rassemblé des associations de patientes, des chercheuses et des expertes pour discuter des enjeux cruciaux de la santé des femmes.
Cet événement a révélé comment les luttes des patientes, la recherche et les innovations peuvent transformer l'expérience médicale des femmes. En unissant des voix influentes, cette matinée a souligné que l'avenir de la santé des femmes repose sur la reconnaissance de leurs luttes et le soutien à l'innovation.
Yasmine Candau, Angèle Mbarga et Emelyne Heluin : des luttes visibles pour des pathologies négligées
Yasmine Candau, présidente d'EndoFrance, a ouvert le débat en abordant la situation alarmante des femmes atteintes d’endométriose, qui touche 1 personne menstruée sur 10. Avec un diagnostic souvent retardé de 7 ans, combien de femmes souffrent sans que leur condition soit reconnue ?
Bravo à EndoFrance qui a investi plus de 450 000 euros dans la recherche et appelé à une sensibilisation accrue des professionnels de santé.
Puis Angèle Mbarga, présidente de Fibrome Info France, a partagé des statistiques préoccupantes sur les fibromes utérins, touchant 1 femme sur 4. Souvent banalisés, ces fibromes sont la première cause d’ablation de l’utérus, impactant gravement la santé reproductive et la sexualité des femmes.
Fibrome Info France plaide pour la reconnaissance des fibromes comme un enjeu de santé publique et a proposé une stratégie de prévention solide.
Emelyne Heluin, vice-présidente de SOPK Europe, a ensuite évoqué le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), une condition touchant 1 personne menstruée sur 7. Alors comment mieux informer et soutenir les femmes souffrant de cette maladie souvent mal diagnostiquée ? Emelyne Heluin a lancé la campagne "Aria" pour sensibiliser aux pathologies secondaires liées au SOPK, soulignant l'urgence d’offrir des réponses médicales adaptées.
Muriel Salle et Rebecca Amsellem : un appel à l'action pour la reconnaissance et l'innovation
Muriel Salle, historienne et spécialiste en études de genre, a évoqué l'évolution de la perception du corps féminin dans l'histoire médicale. Elle a rappelé que des maladies comme l'endométriose sont documentées depuis le XIXe siècle, mais restent mal traitées. Historiquement, le corps féminin a souvent été vu comme "pathologique", ce qui a conduit à une sous-estimation de nombreux problèmes de santé féminine.
Elle a également souligné l'impact des mouvements féministes, qui ont bousculé la biomédecine, en poussant à une meilleure reconnaissance des besoins spécifiques des femmes. Aujourd'hui, la féminisation du domaine médical et l'usage des outils numériques, comme les applis de suivi menstruel, permettent aux femmes de mieux documenter leur santé et de se faire entendre.
Pour Muriel Salle, il est essentiel de co-construire des solutions avec les patientes et de passer d'une vision fataliste des maladies féminines à une approche proactive et inclusive.
Enfin, Rebecca Amsellem, docteure en économie, spécialiste des questions d'égalité de genre, a partagé son expérience d’un système de santé qui n’a pas été pensé par les femmes, pour les femmes. Elle a souligné le fait que la société ne prend pas en compte le mode de vie des femmes comme avec la prise quotidienne d’une pilule contraceptive par exemple.
Rebecca Amsellem conclut sur deux enjeux. D’abord sur la santé publique en soutenant les associations de patientes et les startups qui innovent pour améliorer les connaissances et les parcours de soin en santé des femmes. Ensuite sur l’enjeu business de ces entrepreneur·es, qui sont en majorité des femmes, et qui non seulement ont un impact sociétal mais aussi économique en créant des entreprises dans le secteur de la femtech.
Lucie Joly et Marina Kvaskoff : quand la science et l’innovation redéfinissent le futur
Dr Lucie Joly, spécialisée en psychiatrie périnatale, chercheuse à Sorbonne Université, a ouvert la discussion en présentant les bouleversements cérébraux vécus par les femmes pendant et après la grossesse. Saviez-vous que ces transformations peuvent durer jusqu'à trois ans, avec une réorganisation profonde du cerveau ?
Ce constat met en lumière l'importance cruciale de la prévention, surtout quand on sait que 15 à 20 % des nouvelles mères souffrent de dépression post-partum, avec le suicide comme première cause de mortalité maternelle.
Au-delà de la période périnatale, Lucie Joly a expliqué qu’elle élargissait ses travaux à la santé mentale des femmes tout au long de leur vie et annoncé la sortie récente de son livre “La dépression au féminin”.
Dans une autre intervention marquante, Dr Marina Kvaskoff, épidémiologiste à l'INSERM, a présenté ses travaux de recherche sur l'endométriose. Marina Kvaskoff dirige le projet ComPaRe-Endométriose, une initiative qui réunit 10 000 patientes pour enrichir la recherche et améliorer les diagnostics, souvent trop tardifs.
Marina Kvaskoff a par ailleurs annoncé le lancement prochain des projets ComPaRe-Fibromes et ComPaRe-SOPK pour mener une initiative similaire sur ces deux pathologies.
Juliette Mauro et Delphine Moulu : l'émergence de la Femtech
Juliette Mauro et Delphine Moulu, fondatrices de Femtech France, ont mis en avant l'essor des innovations en santé des femmes. Elles ont rappelé que la santé des femmes concerne la santé gynécologique mais également toutes les conditions qui touchent les femmes de manière disproportionnée (comme les maladies auto-immunes, la dépression, etc.).
Et bien que la France se classe troisième dans le monde en nombre de startups femtech (140), elle accuse un retard dans le financement où elle dégringole à la septième place.
De bons signaux sont néanmoins à noter avec le rachat de la startup française Sonio par Samsung, et la levée de fonds de 200 millions d’euros de la startup anglaise Flo qui devient ainsi la première licorne femtech européenne.
Ensemble pour réduire les inégalités de santé
Cette matinée dédiée à la santé des femmes a révélé la dynamique puissante entre les luttes des patientes, la recherche et l'avancée des innovations.
En unissant nos forces, nous pouvons bâtir un avenir où la santé des femmes est une priorité, et où chaque femme a la possibilité de vivre pleinement.
Construisons ensemble ce bel avenir !
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